Comment les radiations solaires perturbent les systèmes électroniques et quelles solutions pour s’en protéger
Ce vendredi 28 novembre, près de 6 000 Airbus A320 ont été immobilisés pendant plusieurs heures à travers le monde pour une mise à jour logicielle d’urgence destinée à corriger une vulnérabilité des systèmes de commande de vol face aux radiations solaires. Pourquoi les radiations solaires perturbent-elles les systèmes électroniques aéronautiques, et comment s’en prémunir ? Voici quelques éléments pour comprendre ce phénomène et les solutions à mettre en œuvre.Écrit par Youssef BELGNAOUI.

Microchip Technology propose notamment les FPGA de la gamme PolarFire® qui se distinguent par sa tolérance aux radiations.
Selon Airbus, une analyse approfondie d’un incident technique survenu fin octobre aux États-Unis a révélé que des radiations solaires intenses pouvaient corrompre des données critiques pour le pilotage. Un phénomène rare, mais aux conséquences potentiellement graves.
- Qu'est-ce que les radiations solaires ?
Les radiations solaires désignent les particules énergétiques (protons, électrons, ions lourds) et les rayonnements électromagnétiques (rayons X, ultraviolets, ondes radio) émis par le Soleil, notamment lors d’éruptions solaires ou d’éjections de masse coronale (CME). Ces événements, liés à l’activité magnétique de notre étoile, peuvent projeter des flux de particules vers la Terre en quelques heures ou jours. Si le champ magnétique terrestre et l’atmosphère nous protègent en grande partie, les systèmes électroniques en haute altitude — comme ceux des avions ou des satellites — y sont bien plus exposés. Les particules solaires, en interagissant avec les circuits électroniques, peuvent provoquer des dysfonctionnements temporaires ou permanents, voire des pannes critiques.
- Quels impacts peuvent avoir les radiations solaires sur les systèmes électroniques ?
Les radiations solaires affectent les composants électroniques de plusieurs manières :
- Effets transitoires : une particule énergétique peut inverser un bit de mémoire notamment dans une mémoire RAM ou un registre, provoquant une erreur logicielle ou une corruption de données. C’est ce qui semble s’être produit concernant le système de commande de vol des A320.
- Effets permanents : un court-circuit peut survenir dans un composant, le rendant inutilisable jusqu’à un redémarrage ou un remplacement.
- Dégradation progressive : une exposition prolongée aux radiations peut altérer les performances des semi-conducteurs, réduisant leur durée de vie.
Ces perturbations sont particulièrement préoccupantes dans le secteur de l’aéronautique, où la fiabilité des systèmes est une priorité absolue.
- Quels composants électroniques sont les plus vulnérables aux radiations solaires ?
Tous les circuits électroniques ne réagissent pas de la même manière aux radiations. Les plus sensibles sont :
- Les mémoires volatiles (RAM, registres) : les données stockées peuvent être altérées instantanément par une particule énergétique.
- Les microprocesseurs et FPGA : leur complexité les rend vulnérables aux erreurs logicielles ou aux blocages.
- Convertisseurs analogique-numérique et kes capteurs : une radiation solaire peut fausser les données numériques et les mesures.
- Les composants en technologie CMOS : plus les transistors sont de petites dimensions, plus ils sont sensibles aux radiations.
- Comment protéger les systèmes électroniques des radiations ?
Plusieurs stratégies existent pour limiter les risques, combinant approches matérielles et logicielles :
Solutions matérielles (hardware)
Blindage : utilisation de matériaux absorbants (comme le tungstène ou des composites) pour protéger les composants critiques.
Redondance : doubler ou tripler les systèmes essentiels tels que les calculateurs de vol pour permettre une reprise automatique en cas de défaillance.
Circuits durcis (rad-hard) : mettre en œuvre des composants spécialement conçus pour résister aux radiations, souvent utilisés dans l’aérospatial ou le nucléaire.
Filtres et protections électriques pour limiter les courants induits par les radiations.
Solutions logicielles (software)
Détection et correction d’erreurs : des algorithmes vérifient en temps réel l’intégrité des données et corrigent les bits erronés.
Redondance logicielle : exécution parallèle de plusieurs instances d’un même programme pour comparer les résultats.
Reconfiguration dynamique : certains systèmes électroniques intégrant par exemple des FPGA) peuvent reconfigurer leurs circuits en cas de détection d’une anomalie.
- Pourquoi une simple mise à jour logicielle a-t-elle suffi dans le cas des Airbus A320,?
Dans le cas des A320, Airbus a opté pour une mise à jour logicielle plutôt que matérielle pour plusieurs raisons :
- Rapidité d’intervention : une mise à jour peut être déployée en quelques heures sur l’ensemble de la flotte, alors qu’une modification matérielle nécessiterait des mois de certification et de rétrofit.
- Nature du problème : l’incident était lié à la corruption de données en mémoire, un problème que des algorithmes de protection (comme le contrôle de redondance cyclique, CRC) ou des protocoles de revalidation peuvent résoudre.
- Coût et complexité : remplacer des composants sur 6 000 avions aurait été logistiquement et financièrement prohibitif. Le logiciel permet de contourner la vulnérabilité sans toucher au matériel.
- Flexibilité : un correctif logiciel peut être ajusté ou amélioré plus facilement qu’un circuit durci, surtout si de nouvelles menaces (comme une activité solaire accrue) apparaissent.
- La mise à jour a probablement introduit un renforcement des vérifications d’intégrité des données critiques, des mécanismes de reprise automatique en cas de détection d’une corruption, une optimisation de la gestion mémoire pour limiter l’impact des effets transitoires.

